En novembre, nous avons eu le plaisir d’enregistrer une conversation entre trois éducateurs, Daemin Whetung, Alan Macdonald et Sian Nalleweg, qui abordait la façon dont ils utilisent une approche d’apprentissage axée sur la terre pour enseigner aux élèves les systèmes alimentaires. L’animation a été menée par Robbie Knott d’Alderhill, une entreprise appartenant à des Autochtones, exploitée par des Autochtones et hautement spécialisée dans la planification communautaire autochtone située en Colombie-Britannique.
Daemin Whetung est mère de trois enfants dont l’un est né en décembre dernier. Daemin a été élevée dans l’apprentissage, le travail et l’amour du riz sauvage, qui lui ont été enseignés par son père James Whetung, le rêveur et fondateur de Black Duck Wild Rice. Elle pense que les « liens avec la terre » ont été perturbés pour bien des personnes et espère les aider à se reconnecter à la terre et à l’eau grâce au riz sauvage et à son expérience dans ce domaine.
Alan Macdonald enseigne en 7e et en 8e année dans le cadre d’un programme d’enrichissement, Challenge North, à l’école publique de Loughborough. L’amélioration des connaissances en matière d’alimentation, la lutte contre les changements climatiques et la recherche d’occasions de réconciliation ont été les motifs des récents projets de son école. Parmi ceux-ci, on compte notamment la demande d’une bourse pour un bar à salades auprès de l’initiative De la ferme à l’école Canada, la mise en place d’un programme de compostage et de jardins surélevés, le soutien d’un grand jardin de la banque alimentaire dans la communauté, ainsi que la création d’œuvres d’art inspirées du wampum en collaboration avec des membres de la communauté autochtone et des espaces culturels autochtones sur le terrain de l’école. L’école d’Alan est très enthousiaste à l’idée de construire cette année une cuisine pédagogique et une serre afin d’élargir les possibilités offertes aux élèves en matière d’alimentation.
Sian Nalleweg vient d’obtenir un diplôme d’éducatrice de la petite enfance et en capacités diverses. Elle occupe un poste d’assistante pédagogique dans le district scolaire 50 de Haida Gwaii. Championne de l’alimentation, c’est une protectrice des terres et une défenseuse passionnée des droits des enfants. Elle est membre de l’association Early Childhood Educators of British Columbia, de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance, et elle est vice-présidente de son syndicat SCFP local. Sian partage : « Ma famille représente tout pour moi, et si je ne suis pas au travail, vous pouvez me trouver avec ma famille sur les plages et dans les forêts qui entourent ma maison ».
Voici quelques-uns des moments clés que nous avons retenus de cette conversation :
Alan : Lorsque vous emmenez des enfants à l’extérieur, quelque chose change en eux ; il y a quelque chose de très ancré dans le sol quand on est dehors. Cela commence par notre relation avec la terre. Il est de notre responsabilité de comprendre d’où vient notre nourriture. Si nous apprenons à apprendre de la nature, si nous apprenons à regarder, à écouter et à ralentir, c’est vraiment une leçon précieuse et très riche.
Daemin : L’apprentissage axé sur la terre consiste à apprendre de l’environnement et à simplement aller dehors. C’est un type d’apprentissage que vous ne pouvez pas obtenir à partir d’un livre, d’Internet ou de Zoom. C’est un type d’apprentissage différent, où la terre enseigne et où les éducateurs facilitent l’apprentissage. « Chaque jour que je passe dehors crée une image plus complète de ma compréhension du monde et de moi-même dans ce monde, n’est-ce pas? ».
Sian : L’une des facettes du bien-être social et émotionnel est le sentiment de « qui suis-je? ». Ce sentiment d’identité est important pour tous les enfants. Une identité forte est déterminante pour notre capacité à agir en tant que citoyens attentifs et gardiens de la terre et des eaux.
Robbie : « C’est un travail de décolonisation qui se produit! ».
Sian : Les éducateurs ont un rôle important à jouer dans la réconciliation. Participer et contribuer de manière significative à une approche axée sur la terre, c’est faire partie du changement transformateur. * Voir d’autres ressources et photos partagées par Sian
Alan : Il y a une prise de conscience de la réconciliation dans le système éducatif. Une leçon importante du livre de Robin Wall Kimmerer, Tresser les herbes sacrées (Braiding Sweetgrass), est de considérer tout ce qui vient de la terre comme un cadeau. Si nous voyons notre récolte comme un cadeau de la terre, alors peut-être apprendrons-nous à prendre soin de la terre et à l’aimer différemment. « La réconciliation est la guérison de la relation entre les gens ainsi que de notre relation avec la terre ».
Daemin : On ne peut pas enseigner l’apprentissage axé sur la terre sans parler de notre déconnexion en tant que peuple autochtone. La colonisation nous a séparés de notre système alimentaire, de nos aînés, de notre terre, de nos droits et de nos ressources. Le riz sauvage appelé manoomin aide notre peuple à trouver la guérison en lui-même et à trouver la guérison de ce qui nous a été fait. Il s’agit vraiment de connecter les gens à leur identité et de les aider à apprendre qui ils sont.
Sian : Je travaille à l’école primaire Sk’aadgaa Naay, une école publique située dans une réserve privée à Skidegate, en Colombie-Britannique, qui est entourée d’une forêt d’apprentissage, d’un accès à la plage à proximité, d’une serre et d’un espace de jeu naturel. La présence de ces espaces favorise le bien-être des enfants. Mon approche est axée sur l’interconnexion des choses et leur territoire. Pour moi, l’apprentissage axé sur la terre consiste à comprendre que les humains, les créatures, les plantes, les arbres et les entités non vivantes sont tous interconnectés. C’est apprendre avec l’esprit, le corps et l’âme. La relation avec les autres et l’environnement est réciproque et réactive.
Daemin : Pour moi, l’apprentissage axé sur la terre est plus sensoriel. C’est le fait que tous les sens sont exacerbés lorsque l’on est dans la nature. Les odeurs jouent un rôle important dans ma lecture du riz sauvage, sa préparation à chaque étape de la production, le son qu’il émet lorsqu’il tombe dans le bateau, toutes ces choses dont je peux parler mais qui ne sont pas vraiment transmises quand on ne les vit pas. L’apprentissage sur le terrain est une expérience plus complète. À différentes étapes de ma vie, le riz sauvage m’a appris différentes choses : apprendre à travailler dur, me donner un but ou une direction.
Alan : Il est important que l’école reflète « qui nous sommes », et pour les Autochtones, ce n’est souvent pas le cas. L’école publique de Loughborough, où j’enseigne, a travaillé avec des membres de la communauté Anishinaabe pour créer un cercle de pierres sacrées et un danseur d’herbe est venu ouvrir le cercle et leur a enseigné. Cela fait partie de mon approche : aider l’école à être significative, à donner du pouvoir et à refléter les cultures diverses qui se trouvent dans la salle avec nous. J’enseigne comment les élèves peuvent créer des changements significatifs. Nous ne pouvons pas changer l’histoire, mais nous pouvons rendre demain meilleur.
Loughborough a été identifiée comme une école du patrimoine (“Legacy Schools“) par la Fondation Downie Wenjack pour son travail en faveur de la vérité et de la réconciliation.
Daemin : Plus tôt vous pouvez connecter les enfants ou les gens à leur alimentation, plus tôt ils peuvent commencer à s’en préoccuper. Lorsqu’ils commencent à s’y intéresser jeunes, cela les accompagne tout au long de leur vie et c’est un avantage pour eux. Tout le monde peut se soucier de l’origine des aliments dans son assiette!
Sian : Vivant sur un archipel, Haida Gwaii est très dépendant du ferry et de la météo. Il est particulièrement important pour nous de mettre en place ces enseignements et cette littératie alimentaire pour les enfants et la prochaine génération.
Alan : Vous n’avez pas besoin de tout savoir! Si vous n’êtes pas Autochtone, vous devez demander à ceux qui ont les connaissances et les inviter à participer. Toutes les initiatives mises en place à l’école publique de Loughborough l’ont été en partenariat avec les chefs autochtones au sein de la communauté. Vous devez faire preuve de beaucoup d’humilité et être prêt à dire « apprenons ensemble ».
Daemin : Tout le monde peut se connecter à la nature ou recevoir quelque chose de l’environnement. Il faut être patient; les détenteurs ou gardiens du savoir sont parfois difficiles à trouver. Ne cherchez donc pas de réponses en un jour! Il s’agit d’acquérir du sens, un petit bout à la fois. Utilisez du tabac (Semaa) en guise d’offrande si vous recherchez les conseils d’un peuple autochtone. « Le Semaa est la seule plante qui rappelle comment communiquer entre tout et c’est pourquoi les Autochtones l’utilisent. C’est pour transmettre votre intention et votre volonté afin qu’il n’y ait pas de mauvaise communication ».
Le cercle de pierres sacrées de Loughborough est un espace d’enseignement en plein air.
Sian : Rassemblez tout le monde, tous les êtres humains, et rétablissez les relations. Recherchez vos gardiens du savoir autochtone. Invitez les familles à contribuer. Trouvez du soutien dans vos centres de services scolaires et utilisez les solides réseaux communautaires qui prennent soin des enfants depuis des millénaires.
Sian : Connectez-vous avec votre communauté! Faites l’expérience des opportunités culturelles. Participez à n’importe quel développement professionnel créé par des éducateurs autochtones. Participez à des réunions. Portez le deuil avec la communauté. Collaborez avec vos collègues. Écouter les nombreux chefs et célébrer des événements historiques. Apprenez à parler une partie de la langue autochtone pour vous adresser aux aînés et aux enfants. Venez avec un esprit ouvert!
Alan : Il est très important de commencer localement, avec sa propre communauté. Il faut aussi reconnaître la diversité des peuples autochtones de l’île de la Tortue et « n’ayez surtout pas peur d’essayer, de faire des erreurs. Pardonnez-vous, demandez pardon, allez de l’avant et continuez à apprendre! ».
Daemin : N’importe qui peut se lancer dans l’enseignement axé sur la terre simplement en allant dehors et en suivant un désir et une curiosité d’apprendre. Plus on passe de temps à l’extérieur, plus on apprend. « À l’automne, quand je sors régulièrement pour faire du riz sauvage, j’ai l’impression d’avoir beaucoup plus de vie ».
Alan, Daemin et Sian ont terminé en réfléchissant à l’interconnexion du monde. Vous pouvez considérer la forêt comme un groupe de personnes qui se tiennent la main sous le sol!
Visionnez cette conversation ici
Merci à Alan, Daemin, Sian et Robbie pour cette conversation si instructive.
Accédez à une vidéo que Sian a partagée au sujet de la Journée du chandail orange de cette année à l’école où elle travaille. Comme partagé par Sian : Dang gwa ‘laa Sian la chanson est la chanson Sk’aadGaa Naay qui a été potlatchée(1) et qui est devenue la propriété intellectuelle de l’école primaire Sk’aadgaa Naay en 2009. La chanson est chantée par Erica Reid.
1 ≪ La cérémonie du potlatch (du mot chinook patshatl) fait partie intégrante de la gouvernance, de la culture et des traditions spirituelles de diverses Premières nations vivant sur la côte nord-ouest et dans certaines régions de l’intérieur de la région subarctique de l’Ouest. (…) Le potlatch est une cérémonie de remise de cadeaux ayant pour fonction de redistribuer la richesse. ≫
Gadacz, René R.. ≪ Potlatch ≫. l’Encyclopédie Canadienne, 24 octobre 2019, Historica Canada. www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/potlatch-1. Consulté le 26 janvier 2022.